Gaucher II dit Scévole de Sainte-Marthe (1536-1623)
Gaucher II de Sainte-Marthe tire son pseudonyme Scévole du mot latin scaeva (scaevae) qui signifie gaucher.
Des humanistes au service du roi
C’est au sein d’une famille connaissant un goût prononcé pour les lettres que Gaucher II dit Scévole de Sainte-Marthe voit le jour le 2 février 1536. Louis de Sainte-Marthe, son père, est alors procureur du roi à Loudun.
Issus de la plus authentique noblesse, les Sainte-Marthe sont loin d’être inconnus à la cour : un de leurs ancêtres est fait chevalier par Charles VII pendant la guerre de Cent Ans tandis qu’un autre se distingue auprès de Louis XII lors de la campagne d’Italie (1508-1513). A treize ans, sa famille l’envoie poursuivre ses études à Paris : durant quatre années, il est initié aux langues anciennes, latin et grec, ainsi qu’à la philosophie. Il passe ensuite par Bourges et Poitiers où il étudie le droit.
Sensible à la poésie, il commence très tôt à composer des vers : il publie ses premiers poèmes à l’âge de dix-sept ans et se fait surtout connaître après avoir complété La Médée, tragédie que Jean Bastier de la Péruse (1529-1554), poète-dramaturge, laisse inachevée à son décès. La critique est unanime et c’est probablement par ce biais qu’il fait connaissance avec Pierre Ronsard (1524-1585) et le cercle de la Pléiade.
Une ascension fulgurante
En 1571, il achète la charge de contrôleur général des finances à Poitiers. Il sera maire et capitaine de la ville en 1579-1580 et maire une nouvelle fois au début du XVIIe siècle. La rigueur de sa gestion ne passe pas inaperçue : en 1580, Henri III le nomme Trésorier de France pour le Poitou.
Son éloquence sert Loudun en 1587. Alors que les guerres de Religion dévastent le pays, la ville refuse d’ouvrir ses portes au duc de Joyeuse (1560-1587), à la tête de l’armée catholique en route pour la Guyenne. Furieux, le duc s’apprête à ravager Loudun, lorsque Scévole de Sainte-Marthe, appelé au secours par ses concitoyens, réussit par la séduction de son discours à éviter la catastrophe. Le danger éloigné, les habitants reconnaissants lui décernent le titre de « Père de la Patrie ».
Il est député aux états généraux réunis par Henri III à Blois en 1588-1589. Bien que catholique, Scévole de Sainte-Marthe ne s’associe pas aux Ligueurs qui contestent la succession du roi de France.
Fidèle à la couronne, Scévole de Sainte-Marthe défend tout au long de sa vie les actions du roi. L’assassinat d’Henri III, le 2 août 1589, lui inspire un chant funèbre, Larmes à sa mémoire, qui est la pièce la plus estimée de son œuvre. Après son accession au trône, Henri IV, connaissant la confiance que lui avait accordée Henri III, lui offre une charge de contrôleur de l’armée navale de Blaye dans laquelle sa gestion exemplaire lui renouvelle l’estime du roi.
Le premier salon littéraire de Loudun
Il occupe plusieurs autres fonctions avant de retrouver définitivement Loudun en 1618 à l’âge de 82 ans. Dans son hôtel particulier de la rue du Bourg-Joly où il tient salon il reçoit des visiteurs célèbres, comme le prince de Galles, futur Charles 1er, et réunit tous les grands esprits loudunais. On peut y croiser Louis Trincant, procureur du roi historien et grand héraldiste, Théophraste Renaudot, le médecin philanthrope qui rêve d’une grande carrière, et même Urbain Grandier, connu pour être le préféré du vieil homme. Il continue à composer en français, même s’il privilégie la versification en latin. Son œuvre est continuellement publiée.
Scévole de Sainte-Marthe décède en sa maison, le 29 mars 1623. Urbain Grandier, à ses côtés, ferme les yeux du vieil homme. Même si l’Histoire se souvient surtout de lui en tant que brillant administrateur et habile négociateur pour le royaume, Scévole de Sainte-Marthe est tout autant témoin qu’acteur de la vie littéraire française et du bouillonnement intellectuel qui secoue la France depuis le XVe siècle.