Echappées vertes

Jardin Médiéval

Comment créer "son" jardin

Marre du gazon vert de vert, de la gloriette en plastique au milieu, du ricanement des nains derrière les buissons de forsythia et des plates bandes de tulipes ? Envie d’un jardin plaisir différent ? Une idée surgit suite à une visite locale. Et si je faisais mon jardin “médiéval” ! 

Mais vous hésitez. Nous allons vous initier au modèle et vous donner les clés d’entrée au jardin… sacré.

Il est des jardins qui ne sont pas seulement des jardins, plus qu’un simple assemblage végétal. Voilà bien ici délimitées des notions sous-jacentes à la création d’espaces naturels qui auraient quelque lien secret avec un idéalisme, une philosophie, un mode de pensée, un schéma de vision de l’univers et de la vie.
Vous vous direz directement : “qu’en termes bien bizarres, cette chose est-elle présentée”! Rien de bizarre à tout cela.  Au long de l’histoire, beaucoup de créations paysagées ont leur fondement dans la transmission d’une idée de la nature (exemple : Versailles). Certaines religions et doctrines ont poussé très loin la relation d’implication avec une vision de la nature : le boudhisme zen et le shintoïsme (Japon), les labyrinthes des adventistes* par exemple.

Le jardin médiéval, une quête d’harmonie universelle

Comme l’on sait, le Moyen-âge est fortement imprégné de religion chrétienne. Il n’est donc pas surprenant d’y retrouver toutes les symboliques véhiculées par cette croyance, et ceci dans le quotidien comme dans la perception du monde environnant.

On retrouve diverses représentations de ces jardins, mais celui qui fait référence auprès des spécialistes est celui figurant dans des plans (820) du monastère de Saint Gall. Un jardin clos de forme rectangulaire, divisé en espaces délimités par des treillages et autres ouvrages de branchages. Les plantes y sont cultivées sur des ensembles de terre surélevés et entourés de “plessis » (tresses de branchages de châtaignier ou de saule des vanniers).

Riche en symboles, le Moyen-âge proposait “un véritable art de vivre, source de bien-être physique et moral…” et donnait à percevoir le rapport entre les aliments, la santé, le corps humain et la nature comme un tout.
Un principe que l’on retrouve à notre époque dans les publications de l’OMS définissant la santé comme “…un état de complet bien-être physique, mental et social...” Suivant ces principes “harmoniques”, le jardin médiéval se distribue en espaces censés répondre aux divers de ces besoins, mais aussi représenter la vision du monde de l’époque, celle des Edens et paradis perdus.

Des espaces organisés

Le jardin se construit ainsi autour d’espaces très organisés où l’on y cultive des plantes pour des usages aussi divers que l’alimenta-tion, la santé, la teinture et même la sorcellerie. 

On y trouve principalement:

Un heularius.

C’est le jardin des “simples”, ces plantes médicinales utilisées pour se soigner sans faire appel aux services de l’apothicaire, et organisé en carrés médicinaux relatifs aux divers usages : plantes des fièvres et refroidissements ; plantes des femmes ; plantes vulnéraires (traumatismes) ; purges ; plantes des maux de ventre.
On doit la connaissance de toutes ces plantes aux travaux de transcription des moines des textes anciens d’Aristote, Hippocrate, et Pline entre autres.
A noter, côté alimentation, qu’en grec ancien diététique se dit “diata”, signifiant “mode de vie”.

Un hortus

C’est le potager distribué en 9 carrés **, où l’on fait pousser une variété impressionnante de légumes, dont certains aujourd’hui disparus. Y trouvent place : céréales et légumineuses, mais aussi toutes les “herbes à cuire”***, et légumes racines. Les épices étant réservées aux seigneurs, on y cultivait aussi aromates et condiments, notamment l’ail, le raifort et la moutarde mais aussi des ombellifères et des labiées****.

Un viridarium

C’est le verger disposant d’arbres fruitiers plantés en forme de croix. Aux pieds des pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers, étaient enterrés les moines, car le verger était aussi le cimetière dont les troncs dressés vers le ciel représentaient symboliquement la résurrection. 

Un jardin d’agrément

Celui-ci pouvait se constituer de simples jardins de verdure ou d’un jardin secret (Hortus conclusus). 

Les jardins de verdure invitent à éveiller les cinq sens : l’ouïe (volière, jeux d’eau), le goût (légumes “esthétiques”), l’odorat (prairie de mille fleurs), le toucher (plantes texturées, piquantes ou duveteuses), mais aussi la vue avec le jeu des couleurs des différentes fleurs selon les saisons.

L’hortus conclusus se veut le reflet matériel des jardins décrits dans la Bible, mais aussi la Vierge avec ses beautés et perfections traduites en symboles floraux : la rose (la Vierge), la violette (l’humilité), le lys (la chasteté).

Des jardins qui ont une “utilité cachée”, comme l’a définit Albert le Grand*****

“… Il existe des jardins qui ne sont pas d’une grande utilité et ne produisent pas grand chose. Ils sont en fait arrangés pour le plaisir des sens : pour la vue et pour l’odorat…”

 

Notes
* Aux Etats-Unis
** 9, multiple du chiffre 3 représentant la Trinité. A noter que dans l’Antiquité, les Grecs avaient aussi ce chiffre comme symbole, lié aux 3 phases et la lune… mais aussi aux âges de la femme (jeune fille, nymphe et vieille femme).
*** bettes, arroches, épinards
**** Ombellifères : fenouil, aneth, coriandre ; Labiées : thym, basilic, sarriette, marjolaine
***** De vegetabilibus et plantis (vers 1260)

Envie de découvrir ce type de jardin

Visitez la page consacrée au « jardin d’inspiration médiévale » de Loudun
Faites une visite au jardin de l’Abbaye de Fontevraud

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